Synopsis

Bangkok, mégalopole en perpétuelle expansion. En son coeur, la rue Thaniya, quartier rouge destiné à la clientèle japonaise. Luck en est l’une des reines. Habitant seule dans un luxueux appartement, elle subvient à sa famille nombreuse demeurée dans une province du nord-est, près de la frontière laotienne. Un jour, Luck retrouve Ozawa, un client japonais dont elle était tombée amoureuse cinq ans auparavant. Ancien soldat des Forces japonaises d’autodéfense, il vivote dans une chambre modeste des bas quartiers. Quand Ozawa doit se rendre au Laos, elle l’accompagne pour le présenter à sa famille et ses amis d’enfance. Durant ce court séjour, las de sa vie à Bangkok, Ozawa aspire à une vie paisible dans ce petit village, mais prend conscience des cicatrices du colonialisme.

Note d’intention

“La Thaïlande c’est le paradis.” Deux hommes prononcent cette même réplique lors de nos films précédents Saudade et Off Highway 20. Quand le japon était à son firmament durant la bulle économique de la fin des années 80, les récits de voyages de japonais plus âgés de retour des quatre coins de l’Asie ne parlaient que de femmes. Nous japonais, avec notre devise toute puissante, on se vantait que tout y était bon marché et on se la racontait à propos du paradis qu’on avait visité, comme si l’on avait accompli quelque chose.
Pour l’adolescent que j’étais à l’époque, ma première image du “paradis” était Okinawa, que les voyagistes nous vendaient à coup de slogans comme “un paradis d’été éternel”. Okinawa, situé au point le plus occidental du Japon, est un magnifique archipel subtropical qui avait été sous occupation américaine depuis la Seconde Guerre Mondiale (Okinawa étant la seule bataille qui s’est déroulée sur le sol japonais), mais restitué au gouvernement japonais en 1972. Je me sentais immergé dans l’exotisme promis par la publicité alors que je déambulais dans une rue sur place. Je pointai mon objectif vers une base pour prendre une photo souvenir lorsqu’un un soldat américain m’apostropha immédiatement d’un “NON ! ” menaçant. Agacé, je dirigeai mon appareil dans la direction opposée. J’aperçu alors une femme se tenant sur le trottoir, le long d’une autoroute bordée par des boutiques. J’étais sous le charme de la beauté de cette femme qui semblait métissée d’ascendance asiatique et européenne. Cette expérience était si neuve pour moi que j’en étais ébahi. Elle disparut quelque part à l’intérieure et j’empruntai une ruelle. Quand les boutiques se mirent à ouvrir dans le quartier rouge décati destiné aux soldats américains, une vieille dame étrange sembla s’approcher des soldats qui sortaient de la base en les racolant. Rien qu’à la manière dont ils la traitaient, même moi je pouvais m’apercevoir qu’il s’agissait là d’une scène de la vie courante.
Juste après avoir achevé Saudade, mon film précédent, l’explosion de la centrale de Fukushima Daiichi eut lieu en mars 2011. Presque tous les gens qui voulaient fuir Fukushima ont tourné leurs regards vers Okinawa. L’une des choses dont je me suis rendu compte suite aux conséquences de ce désastre, c’est que ceux qui ont perdu leur paradis sont les même qui se mettent en quête du paradis.
Qu’est-ce que le “paradis” ? Bangkok Nites commence par se faire l’écho de l’image de la “Thaïlande” entrevue dans Saudade comme d’un “Japon au cœur de l’Asie continentale”. Ils sont séparés par un océan, mais sont aujourd’hui reliés par l’histoire coloniale.

Katsuya Tomita